lundi 25 mai 2015

MF 1.3

Oups... où suis je ? Je me suis assoupie au milieu de la conversation avec mon voisin, mais il faut dire que nous voyageons depuis plusieurs heures et… je jette un regard coupable à Marc qui me sourit avec bienveillance. Il comprend ! Les mois qui ont précédés notre départ ont été suffisamment stressants pour justifier une évasion intempestive de la réalité… Où en étions-nous ?
 Ah oui, nous parlions de cet infâme objet qu’est la télévision, la TÉLÉ comme l’appellent les téléphages. Nous nous insurgions, une fois de plus, contre l’abus de pouvoir de nos gouvernants, qui, il y a une dizaine d’années, ont imposé aux citoyens français de posséder un téléviseur et de la garder allumée au moins 5 heures /jour sous peine d’amende voire d’emprisonnement... Je tâte la « puce  » microscopique qui nous a été greffée sur le front afin de nous mettre sous contrôle gouvernemental.
Dieu merci, faute d’activité, elle va s’atrophier et disparaître.
La majorité d’entre nous, dans ce voyage, sont des résistants télévisuels, d’infâmes lecteurs de livre papier et/ou électronique, et de ce fait, imprégnés d’une forte odeur de soufre… d’après les agents renifleurs secticides.
Ma mère m’avait parlé d’un film de sa jeunesse, intitulé, si mes souvenirs sont exacts, Farhenheit 451. Ce film mettait en scène une période de dictature où on aurait interdit la lecture et où les pompiers auraient brûlé les livres lors d’opérations mémorables... Divagations pas si imaginaires qu'elles le semblaient, d’ailleurs, ma chère Libellule, mais ceci est une autre histoire…
Sur terre, nous avons disserté interminablement (et « inter- minablement » d’ailleurs, d’après certains mauvais esprits…) sur ces sujets, et la révolte était devenue notre quotidien, alors changeons de sujet !
Euh… que dis-tu, Marc ?
Ah oui, excuse-moi, je me branche machinalement sur la relation télépathique avec Libellule et je n’avais pas vu cette lumière qui clignote assez violemment pour annoncer une information importante.. chut !
Voilà, nous arrivons sur Haniwa. L’appareil de transition qui nous a amenés jusque-là va entrer dans le ventre du vaisseau spatial…
Sur l’écran géant, nous voyons surtout l’arrière d'Haniwa, avec une vue de l’ensemble de celui-ci, qui nous apparaît comme un gros bourdon gris avec des ailes de dimensions restreintes qui se déplacent en largeur sur toute la surface du corps.. Ces ailes peuvent également se plier vers le haut ou le bas. On nous dit que la surface du vaisseau est aussi souple que du latex, malgré sa résistance ou peut-être également grâce à cette particularité, mais nous ne pourrons pas le vérifier, la technologie n’étant pas encore arrivée là.
A l’arrière du vaisseau, une grande ouverture, comme en avaient autrefois les avions de chasse, mais plate à la base, avec une sorte de plaque d’envol, ou d’atterrissage, qui permet à un appareil de dimension plus réduite de pénétrer à l’intérieur… ou d’en sortir.
Nous voyons apparaître sur l’écran une des accompagnatrices qui se trouve déjà à bord depuis quelques mois. Elle vient nous donner les dernières instructions : nous n’avons aucune raison de nous inquiéter, dit-elle, la synchronisation des vitesses est parfaite et nous allons pouvoir entrer facilement à l’intérieur du vaisseau interplanétaire.
Nous pouvons voir toutes ces opérations sur l’écran et je peux te dire, ma chère libellule, que c’est très impressionnant…
Nous sommes maintenant dans le noir, et nous ne serons pas autorisés à descendre avant plusieurs dizaines de minutes.. Il faut refermer la bouche d’entrée et mettre la pression adéquate dans la soute.
Nous avons nos places indiquées également sur Haniwa, dans le même ordre que sur l’appareil de transition, donc évitons la bousculade.
Pour commencer, nous aurons les mêmes voisins, même si des échanges de place sont permis, et comme il n’y a pas de hublot, personne ne sera mal placé…
Après avoir grimpé l’escalier intérieur, avec une certaine appréhension mêlée d’excitation, nous voici dans notre résidence provisoire.
Ce vaisseau sera notre ventre maternel pour une renaissance, ou qui sait, notre tombeau.
Que te dire de l’intérieur ?
Il y a de nombreux espaces de vie, bien qu'il n’y ait pas de classe. L’intérieur a simplement été cloisonné pour éviter d’ajouter l’angoisse d’un espace démesuré… Aussi l’appareil, pourtant immense, semble à échelle humaine.
Il y a également de nombreux espaces, plus petits, de service, je dirais... J’aperçois une salle de gymnastique et divers autres salles, infirmerie, etc.
Les parois sont également d’un gris clair, avec des pointes de couleur vive de-ci de-là, pour garder actives nos imaginations (sans doute)... et le toucher est très doux ; cette fois, c’est vérifiable ; plus doux que du tissu et cela donne une impression de rembourrage souple.
On dirait presque que tout à été fait pour amortir le choc psychologique de cette expatriation, unique dans l’histoire du monde.
Les accompagnatrices sont habillées façon hôtesse de l’air archaïque, avec un uniforme, mais nous disent-elles, ce n’est pas pour se mettre en avant, mais pour qu’elles soient plus faciles à repérer... fonction oblige.
Nous n’allons d’ailleurs pas tarder à nous apercevoir que nous avons affaire, ici, à une organisation des plus pointue ; preuve, s’il en fallait, que l’intelligence peut être mise au service du bien-être de l’homme et non uniquement de sa destruction, ainsi qu’il en était dans les dernières décennies.
Nous commençons notre installation, mais en premier lieu, il faut penser à nourrir nos corps.. Devant nous, encore des ordinateurs… eh oui,importants, utiles comme tu le sais, pour des raisons diverses, mais surtout pour notre nourriture numérique.
Certes, nous espérons retrouver une « alimentation vivante  » mais il faut reconnaître que le logiciel alimentaire nous a sauvés d’une mort à petit feu à mesure que les aliments perdaient leurs nutriments essentiels... jusqu’à disparaître complètement.
L’accompagnatrice connecte nos ordinateurs à la centrale. Elle nous conseille de programmer notre repas… déjeuner, dîner ? Peu importe, pour deux petite heures, car il ne sera pas possible d’utiliser le réseau informatique pendant le démarrage du vaisseau et ensuite, nous allons être occupés.
Devant nous,les injonctions du logiciel alimentaire défilent :
« Mes enzymes digestives, mon acide stomacal et ma bile sont au niveau optimal … »
« J’optimise mes niveaux d’homo-cystéine en me servant de la vibration de l’acide folique, des vitamines B6 et B12, assurant une conversion totale de l’acide aminé qu’est la méthionine en cystéine...»
Je n’en comprends pas une miette (si j’ose dire) mais ça marche malgré tout, heureusement !
J’aime bien celle-là : « Mes systèmes internes de contrôle s’accordent sur mon poids corporel optimal et sa composition, se défaisant de toute peur de "famine" créée par les régimes antérieurs hypocaloriques... » (dans une autre vie sans doute…)
Marc rigole, « Bon appétit ! » murmure t-il… Il est vrai que, bien que nous soyons utilisateurs de cet instrument depuis… la nuit des temps, nous n’avons pas vraiment réussi à nous habituer à manger par ordinateur interposé.. bravo la gastronomie !
L’essentiel étant réglé, passons aux choses sérieuses.
L’organisation semble parfaite, et les accompagnatrices sont disposées à répondre à toutes nos questions. Nous ne sommes plus sur Terre, là où la langue de bois est devenue le moyen de « communication » le plus habituel.
En supposant que nous ayons la même notion du temps et que celui-ci ne s’accélère pas, nous avons des mois de voyage devant nous. Il est donc est évident que certaines situations peuvent devenir problématiques, et même si la technologie n’a pas cessé de nous surprendre, il n’est pas encore prévu de laver son linge, par exemple, uniquement à l’aide d’un logiciel, même si l’un d’entre eux va évidemment déclencher le programme...
Et puis, et puis...
Petite question : comment va se faire la purification de l’air à l’intérieur des habitacles ?
Bref, expliquez-nous comment vont être gérées ces petites questions bassement matérielles ?
En outre, l’ennui peut gagner, les voisinages peuvent devenir pesants... Il y a sans doute des activités prévues ? j’ai aperçu une salle de gym en arrivant.. Comment allons-nous en disposer ?
Maintenant que nous sommes provisoirement rassasiés (!) nous sommes ouverts aux discussions et aux échanges avec l’accompagnatrice.
Je vois un mouvement près de la cabine de pilotage... nos bagages arrivent et ils vont être remisés dans un petit local pour l’instant.
Chaque chose en son temps.

A bientôt,
Mosaïne

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